En 1974, la France suspend officiellement l’immigration de travail, mais les flux migratoires continuent d’augmenter par d’autres voies. Malgré la fermeture des frontières affichée, le regroupement familial instauré en 1976 permet l’installation durable de nombreuses familles étrangères.
Les politiques publiques oscillent entre restrictions et régularisations massives, comme en 1981, avec près de 130 000 personnes régularisées. Les entreprises, les syndicats et certains partis politiques jouent un rôle déterminant, chacun à des moments clés, dans l’évolution des lois et des pratiques.
L’immigration en France : un phénomène ancien aux multiples visages
La France, terre d’immigration, ne date pas d’hier. Bien avant la mondialisation, elle s’illustrait déjà comme un territoire d’accueil. Dès le XIXe siècle, le pays attire des étrangers venus de toute l’Europe, principalement pour répondre aux besoins de la révolution industrielle. Mines, chantiers, usines : il fallait des bras, et ils sont venus. Italiens, Belges, Polonais, Espagnols… Ces populations s’installent, élèvent des familles, et laissent leur empreinte dans la modernisation de Paris et des régions ouvrières.
Au fil du temps, la carte des pays d’origine change de visage. Les deux guerres mondiales bouleversent l’équilibre démographique : la France accueille alors des réfugiés et des immigrés venus combler le vide laissé par les pertes humaines. Après 1945, il faut tout reconstruire. L’État se tourne alors vers les anciennes colonies pour recruter de nouveaux travailleurs. Algériens, Marocains, Portugais, Turcs : chaque décennie imprime sa marque et façonne le visage social du pays.
Pour mieux saisir cette évolution, voici les principales étapes des flux migratoires :
- XIXe siècle : prédominance de l’immigration européenne
- Entre-deux-guerres : diversification des origines
- Trente Glorieuses : arrivée massive de travailleurs extra-européens
L’histoire de l’immigration en France ne se résume pas à une accumulation de statistiques. Elle influe directement sur la société, transforme les villes et les campagnes, remet en question les notions d’intégration et d’appartenance. Paris, avec sa mosaïque de communautés, incarne ce passé d’accueil, tout en révélant les tensions qui accompagnent chaque période d’ouverture.
Quelles politiques ont structuré l’accueil des migrants au fil du temps ?
La politique d’immigration française est le fruit d’un long parcours, jalonné d’évolutions, de besoins économiques, de crises et de choix idéologiques. Dès la fin du XIXe siècle, le pouvoir politique s’organise pour maîtriser le contrôle des flux migratoires. Accueillir des travailleurs étrangers devient alors un levier au service de la croissance. La loi du 10 août 1932 introduit timidement une forme de préférence nationale dans l’emploi, mais la demande de main-d’œuvre étrangère reste forte et régulière.
Après la Seconde Guerre mondiale, la France doit se reconstruire. L’État signe des accords bilatéraux facilitant l’entrée de travailleurs, principalement venus du Maghreb, du Portugal ou de Yougoslavie. À cette époque, la migration est vue comme indispensable. L’Office national d’immigration (ONI), créé en 1945, symbolise cette volonté de canaliser et d’organiser les arrivées.
Les décennies suivantes voient la politique française osciller entre périodes d’ouverture et phases de repli. En 1974, la fermeture des frontières à l’immigration de travail s’impose sous la pression du chômage et de la crise pétrolière. S’ensuivent de nouvelles politiques de contrôle, accompagnées de mesures pour l’intégration et le regroupement familial. Les années 1980 installent le débat sur la préférence nationale et les tentatives de retour.
Pour situer les principaux jalons législatifs, voici les repères marquants :
- 1932 : premières lois de limitation
- 1945 : création de l’ONI
- 1974 : suspension de l’immigration de travail
Cette succession de lois et de dispositifs traduit les hésitations de l’État face à la question migratoire. Contrôler, intégrer, parfois organiser le retour : la politique d’immigration avance par à-coups, au gré des mutations de la société.
Acteurs clés et décisions majeures : qui a véritablement favorisé l’arrivée des migrants ?
L’ampleur de la venue des travailleurs immigrés en France ne doit rien au hasard. Après la Seconde Guerre mondiale, l’État choisit d’ouvrir largement la porte à une main-d’œuvre étrangère, pour répondre à la reconstruction du pays. Le marché du travail est alors en pénurie de bras : industrie, bâtiment, mines, tout manque de personnel. Les chefs d’entreprise réclament, les préfets organisent, et les syndicats s’accommodent de la situation. Les accords bilatéraux conclus avec l’Italie, l’Espagne, le Portugal, le Maroc, la Tunisie, l’Algérie jalonnent la montée en puissance des flux migratoires.
Dans cette dynamique, les grandes entreprises nationales occupent une place centrale. SNCF, Renault, Charbonnages de France recrutent massivement. Les pouvoirs publics facilitent l’accueil et le séjour des ouvriers, souvent logés dans des cités ou des foyers spécialement construits. Le ministère du Travail délivre les autorisations, les chambres patronales orientent les candidats vers les bassins en manque de main-d’œuvre.
À partir des années 1960, la France n’est plus seulement un pays de passage, mais devient un lieu d’installation durable. La mesure sur le regroupement familial de 1976 amplifie cette réalité. L’arrivée des familles change la nature de la présence étrangère : il ne s’agit plus seulement de travailleurs isolés, mais de communautés qui s’enracinent. Les institutions, les entreprises, les administrations ont donc joué un rôle de facilitateur, répondant à une demande économique et à une vision du développement que la démographie nationale ne pouvait plus soutenir seule.
Explorer les enjeux actuels pour mieux comprendre les débats sur l’immigration
Le débat sur l’immigration en France s’appuie sur des réalités concrètes, des chiffres précis, des histoires singulières. Aujourd’hui, près d’une personne sur dix vivant en France possède le statut d’immigré. Si la part d’étrangers reste relativement stable, la diversité des origines s’accroît, reflet des évolutions géopolitiques et économiques du monde. Trois grands axes structurent les flux migratoires actuels :
- la migration de travail
- le regroupement familial
- la demande d’asile
Le débat public s’anime autour de la répartition des immigrés dans la société, de leur place dans l’économie, et de l’accès aux droits sociaux. Les questions d’intégration se posent avec une acuité nouvelle : logement, emploi, scolarisation, accès aux soins grâce à l’aide médicale d’État. Les clivages politiques se concentrent sur la définition du modèle français d’accueil, et sur l’évolution des modalités de naturalisation. Les chiffres relatifs à l’acquisition de la nationalité française témoignent de la transformation progressive des politiques publiques.
La situation française, pays parmi les plus attractifs d’Europe, place la société face à une réalité partagée avec d’autres nations du continent. Certains secteurs, comme le bâtiment et les travaux publics ou la restauration, continuent de s’appuyer sur une main-d’œuvre issue de l’immigration, venue notamment d’Algérie, mais aussi de nouveaux horizons. Le débat, alimenté par des données et des parcours concrets, engage la cohésion sociale tout autant que le fonctionnement du marché du travail.
Les choix faits hier dessinent les contours de la France d’aujourd’hui. Et demain, à quoi ressemblera ce visage changeant, au croisement de l’histoire, des besoins et des convictions collectives ?


